Les nouveaux terrains de l’économie mixte du Welfare (XIXe-XXe siècles)

Revue d’histoire de la protection sociale n°15/2022

La Revue d’histoire de la protection sociale consacre ce numéro aux nouveaux terrains de l’économie du welfare au XIXe et XXe siècles. Le concept d’ « économie mixte du welfare » a émergé au cours des années 1980 pour mettre en valeur le modèle d’un « secteur public-privé » tirant sa force de la diversité même de ses composants. Il constituait une réaction à l’idée que les institutions privées ou paraétatiques seraient plus efficaces que les administrations publiques pour prendre en charge les politiques sociales, alors même que les restrictions budgétaires tentaient de rogner les dépenses publiques, en particulier dans le domaine social. Les historiens de la protection sociale ont montré que la porosité entre protection privée et protection publique s’inscrivait dans une chronologie plus longue, remontant au moins au second XIXe siècle : à ce moment déjà,  les  associations charitables jouaient un rôle complémentaire, parfois palliatif, parfois concurrent de l’assistance publique.

Le dossier que propose ce numéro de la RHPS s’inscrit dans cette historiographie en renouvellement, tout en proposant un parti-pris : adopter l’échelle locale pour étudier le déploiement de l’économie mixte du welfare sur des terrains à la fois métropolitains et coloniaux, avec l’objectif de dégager les rapports de force entre des acteurs institutionnels sans postuler, a priori, leur répartition entre secteurs public et privé. Il s’engage aussi dans un domaine historiographique largement méconnu : l’histoire coloniale du welfare. En s’intéressant à des sociétés où la charité privée est souvent indissociable de la charité religieuse, cette dernière permet notamment de réinterroger ce que recouvrent les termes mêmes de « public » et de « privé ».

Le dossier réunit différents champs de l’histoire de la protection sociale : les articles d’Éléonore Chanlat-Bernard et d’Antoine Perrier portent sur l’assistance à la pauvreté en Inde et au Maroc à la période coloniale ; l’article de Lola Zappi interroge la palette plus large de l’action sociale ; enfin, l’article de Marion Fontaine inclut les politiques de Sécurité sociale obligatoire ainsi que l’industrial welfare compris comme les œuvres sociales assurées par les entreprises pour leurs employés. Par ces différentes entrées, le dossier réinterroge les frontières du welfare et démontre ce qu’apporte une approche incarnée de la protection sociale, rapportée non seulement à ses dispositifs institutionnels mais aussi aux pratiques, aux intentions et aux représentations des acteurs qui les font vivre.

En marge de ce dossier, l’attention du lecteur est appelée sur la présentation d’un ouvrage qui fait revivre, dans sa pratique professionnelle, un inspecteur du travail du début du XXe siècle, Jean Cavaillé. Il s’est particulièrement illustré dans la lutte contre la maladie du charbon chez les délaineurs du Tarn à la fin du XIXe siècle. L’enquête est menée par un de ses successeurs, Paul Faury, et présentée par un fin connaisseur de l’Inspection du travail, Vincent Viet.

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